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Modalités et vocation : de quoi la ZLEC est-elle le nom ? (2/3)

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Il est entendu que le lancement opérationnel de la ZLEC véhicule un message politique fort. Fruit de longues négociations, celle-ci induit en effet l’idée d’une volonté de collaboration approfondie entre États africains. Toutefois, cette dimension symbolique ne doit pas en occulter les mesures concrètes. Pour ce second volet sur la zone de libre-échange, il s’agira de définir de manière non exhaustive les ambitions et modalités de la ZLEC, par opposition aux problématiques conjoncturelles et structurelles contemporaines freinant l’essor économique africain. De quoi est faite la plus grande zone de libre-échange au monde ?

La ZLEC, un catalyseur du commerce intra-africain

Une photographie aérienne du Monument de la renaissance africaine à Dakar
Le monument de la Renaissance africaine à Dakar, au Sénégal. Ou le symbole de l’essor d’une Afrique nouvelle, à tous les niveaux

Favoriser les échanges intracontinentaux. Tel est le premier maître-mot de ce triptyque qu’est la ZLEC.  Malgré des ensembles économiques régionaux préexistants, l’Afrique souffre incontestablement d’un déficit de compétitivité. Dans les faits, le continent n’occupe aujourd’hui qu’un rôle commercial subalterne sur la scène internationale. L’économiste Thierry Amougou souligne en cela une part d’à peine 3% dans les échanges mondiaux.

D’autre part, cette lacune met en lumière une véritable problématique relative aux flux commerciaux domestiques. Ceux-ci n’avoisinent que les 16% des échanges totaux quand ils culminent à 70% pour le marché européen. Sont ici en cause plusieurs éléments structurels. Les pays africains pâtissent en effet de barrières parfois rédhibitoires pour la circulation des flux à échelle continentale. De plus, le manque d’un cadre et de procédures harmonisés pour un commerce fluide est en cause.

Dans sa lettre, la ZLEC entend remédier avant toute chose à cet état de fait. L’Union africaine fait ainsi part dans le traité constitutif de la zone d’une volonté sans équivoque. Celle-ci vise en effet à « créer un marché unique pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain ». En ce sens, plusieurs instruments concrets viennent ainsi d’entrer en vigueur.

La ZLEC pose dans son texte une élimination progressive des barrières tarifaires et non-tarifaires à échelle continentale, mais également des mesures facilitant la libre-circulation des personnes. De surcroît, le texte met l’accent sur des leviers rendant les échanges plus accessibles pour des pays plus isolés sur la scène commerciale, notamment de par la clause de la nation la plus favorisée [1]. La nécessité de stimuler les échanges continentaux apparait ici comme le prérequis de l’essor économique continental. La fluidification des échanges domestiques est appelée à devenir le socle de la seconde ambition de la ZLEC : l’attractivité.

Le développement de l’attractivité africaine en ligne de mire

La seconde ambition que la ZLEC entend assouvir concerne l’attractivité économique de l’Afrique. Toutefois, plusieurs écueils subsistent là encore. Outre le contexte intra-africain, les barrières à l’entrée continentales (avec des tarifs moyens de 6,1%) peuvent facilement décourager les investissements. Tiraillés entre la tentation de l’ouverture et un protectionnisme parfois vital, les Etats africains subissaient un réel préjudice.

De plus, le déficit d’attractivité africain peut jusqu’à aujourd’hui s’expliquer par un manque de spécialisation des économies et des lacunes industrielles. Plusieurs économies africaines se concentrent en effet uniquement sur la production d’hydrocarbures ou de matières premières.  Les capitaux entrants, non diversifiés, ne sauraient alors permettre un ruissellement vers d’autres secteurs économiques.

Qui dit attractivité dit pourtant compétitivité. Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement se fait l’écho de cette vision : « Une Afrique sans frontières n’est pas seulement un idéal politique […] Elle pourrait également constituer le fondement d’un marché continental concurrentiel pour accélérer la croissance et rendre le continent plus compétitif dans le commerce mondial ».

La ZLEC entend répondre à cette ambition. Elle propose ainsi de favoriser « le développement industriel à travers la diversification et le développement des chaînes de valeurs régionales » tout en s’appuyant sur les socles formés par les Communautés économiques régionales préexistantes. Celle-ci prévoit de plus à travers ces mesures la possibilité de voir émerger rapidement une réelle industrie de services, condition sine qua non de la montée en puissance économique. Enfin, il convient de souligner un volet concernant la libre-circulation des capitaux pour affirmer cette volonté d’attractivité.

Fluidifier la coopération politico-économique

Enfin, le troisième pilier intrinsèque à la ZLEC découle logiquement des deux premiers en ce qu’il concerne la gouvernance et la coopération interétatique. Actuellement, il apparait fallacieux de mentionner une unique « économie africaine » tant les disparités et inclinations étatiques sont marqués du sceau de la divergence. Les quelques champions économiques régionaux existants (Afrique du Sud, Nigéria, Egypte, Maroc, Sénégal) ne sauraient aujourd’hui constituer des locomotives pour l’ensemble du continent.

L’absence de ce caractère mutuellement profitable – étant en partie le fait de la primauté des intérêts nationaux – est de surcroît l’expression d’une machinerie institutionnelle dysfonctionnelle. L’Afrique compte en effet pléthore d’union économiques régionales (CER notamment) qui de par leur enchevêtrement ralentissent les processus d’intégration. Enfin, l’inexistence de cercles de décision au plus haut niveau (hors UA) est à souligner.

La volonté de la ZLEC est sur ce point très claire, celle-ci accentuant la nécessité de : « résoudre les défis de l’appartenance à une multitude d’organisations qui se chevauchent, et accélérer les processus d’intégration régionale et continentale ». Pour ce faire, l’accord constitutif de la zone prévoit sur le plan commercial la création d’une union douanière généralisée et appliquée à tous. Celle-ci aura pour objet l’harmonisation des politiques en matière de barrières à l’entrée et à la sortie.

Sur le plan politique cette fois, la ZLEC stipule la création d’un Organe de règlement des différends (ORD) à l’instar de l’Organisation mondiale du commerce. L’Afrique promeut en cela un modèle basé sur le dialogue interétatique pour régler les litiges, mais confère surtout une base institutionnelle équitable pour de petits États traditionnellement lésés. Enfin, l’accord prévoit un Conseil des ministres du commerce africains pour répondre à cette ambition de cohésion des politiques nationales. Celui-ci, en charge de l’application des dispositions panafricaines à échelle nationale fera l’objet de deux réunions annuelles. Des atouts certains se font jour avec l’entrée en vigueur de la ZLEC. Accompagnés pourtant de leur lot de risques.

Notions :

[1] Clause de la Nation la plus favorisée – Clause NPF : clause posant l’obligation pour un État A offrant des avantages à un État tiers B d’accorder ce dernier à tous les autres. Son objet est d’accorder à l’ensemble des membres d’une zone prédéfinie les mêmes avantages dans une optique d’équité complète.

Sources :

AMOUGOU Thierry. « Tribune : « La zone de libre-échange africaine ne doit pas être une simple arène pour multinationales » ». Le Monde, 2 juin 2019 [lien]

BABASSAGANA Marie-Colette. « La ZLEC, une arme économique pour l’Afrique ». Africa 24, consulté le 15 juillet 2019 [lien]

BERNARDINI Jean, MOLLARD-CADIX Laure-Agnès. « Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine ». Deloitte Taj Stratégie, 8 avril 2019 [lien]

LA TRIBUNE. Création d’une zone de libre-échange en Afrique ». La Tribune, 7 juillet 2019 [lien]

PANARA Marlène. « Zone de libre-échange continentale : c’est parti ! ». Le Point Afrique, 1er juin 2019 [lien]

UNION AFRICAINE. « Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine ». Union africaine, signé à Kigali le 21 mars 2018 [lien]

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Antoine Vandevoorde

Antoine Vandevoorde est analyste en stratégie internationale, titulaire d'un Master 2 Géoéconomie et Intelligence stratégique de l'IRIS et de la Grenoble Ecole de Management depuis 2017. Ses domaines de spécialisation concernent la géopolitique du cyberespace, les relations entreprises - Etats, l'intelligence économique et l'Afrique. Il est rédacteur aux Yeux du Monde depuis mars 2019.

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